Institut national supérieur de l’éducation artistique et culturelle

du Conservatoire national des arts et métiers

Contact

Emmanuel Laot 
Professeur agrégé d’histoire-géographie  

emmanuel.laot[at]lecnam.net

En complément

Site internet du Centre d'Art GwinZegal : https://gwinzegal.com

 

Livrets du pôle patrimoine et culture de la Ville de Guingamp de février 2021 et de mars 2021.

Livre paru en septembre 2021 : 

La prison de Guingamp, de 1841 à nos jours.  Un livre enrichi de nombreuses ressources édité par la Ville de Guingamp en partenariat avec l'Inseac et les archives départementales des Côtes d’Armor. 

Le livre est disponible à l'Office de tourisme de Guingamp-Paimpol Agglomération (Guingamp, Paimpol, Bégard, Belle-isle-en-terre, Bourbriac, Pontrieux) et dans les librairies Mots et images (Guingamp), Centre culturel Leclerc (Guingamp), Gwalarn (Lannion), la librairie du Renard (Paimpol), Le Bel Aujourd'hui (Tréguier).

La Prison de Guingamp - De 1841 à nos jours

 

Article "La prison de Guingamp, de l'ombre à la lumière"
Emmanuel Laot

 « La prison de Guingamp, de l’ombre à la lumière »Criminocorpus [En ligne], Sombre patrimoine, patrimoine sombre. Mémoires et histoires de justice, mis en ligne le 31 janvier 2024,
http://journals.openedition.org/ ; DOI : criminocorpus

 

L'ancienne prison de Guingamp

Cour intérieure de l'ancienne prison de Guingamp (Crédit : Christophe Batard)

L’ancienne prison de Guingamp est aujourd’hui un des derniers témoignages architecturaux d’une « modernité carcérale » qui, en France, est née avec la Révolution et qui fait de la peine de prison la base pénale française.

Au début du XIXe siècle, avec la peur de la hausse de la criminalité et plus particulièrement de la criminalité organisée, un certain nombre d’hommes politiques et de spécialistes réclame  une prison strictement punitive et dissuasive, en s’inspirant directement du penseur anglais Jeremy Bentham (1748-1832). Il s’agit d’instaurer chez les détenus un sentiment permanent de visibilité, les amenant à intérioriser l’idée de leur surveillance. Ces thèses inspirent les promoteurs aux États-Unis de la prison modèle de Philadelphie, dite aussi « pennsylvanienne », mouvement dans lequel s’inscrit la conception de la prison de Guingamp.

L’ancienne prison de Guingamp incarne alors un témoignage patrimonial unique d’une véritable évolution de la politique pénitentiaire française et européenne. Influencé par des idées nouvelles et le courant hygiéniste en faveur d’une politique carcérale plus humaniste et plus juste, le conseil général des Côtes-du-Nord finance sa construction à partir de 1836 pour recevoir les premiers prisonniers en mai 1841. Trois noms majeurs sont attachés à sa réalisation : Charles Lucas, inspecteur général des prisons ; Louis Lorin, architecte départemental ; et Alexis de Tocqueville, le grand historien, penseur et publiciste français. On leur doit cette mise en forme architecturale de l’idée qu’une prison n’est pas simplement un lieu d’enfermement mais aussi un lieu de réadaptation, voire d’éducation, par la mise en place de conditions matérielles, morales et psychologiques de rédemption. 

Au cœur de la cité, la prison départementale ferme une première fois en juin 1934, rouvre en 1941, pour être définitivement désaffectée en 1952. Vendue par le Département à l’État, elle sert encore de logements d’urgence, de dépôt de tabac… jusqu’à 1956, date à laquelle la prison devient un lieu de conservation d’archives fiscales, celui du service des Hypothèques jusque dans les années 80. Aucun entretien n’ayant été fait depuis la fermeture de la prison en 1952, les bâtiments se dégradent vite et une tempête en 1987 l’endommage fortement. Les derniers documents hypothécaires sont transférés en 1989 dans le nouveau bâtiment des Archives départementales à Saint-Brieuc.

En 1992, la commune de Guingamp devient propriétaire des bâtiments en les rachetant à l’État et inscrit les bâtiments à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques, démarche qui aboutit en 1997 avec le classement de l’ancienne prison et de son enceinte. 

Aujourd’hui, après plusieurs étapes de travaux qui ont débuté en 2008 pour sauver la structure des bâtiments puis à partir de 2013 dans l'objectif d’accueillir des projets artistiques et culturels, notamment le Centre d’Art GwinZegal, l'ancienne prison est désormais totalement réhabilitée.

Son « âme » initiale éducative est maintenant pleinement artistique et culturelle avec l’implantation de l’Institut national supérieur de l’Éducation artistique et culturelle du Cnam en 2021.

« Les murs renversés deviennent des ponts »

— Angela Davis

Ceux de l’ancienne prison de Guingamp deviennent autant de ponts reliant les citoyens en devenant une école.

« Quand on ouvre une école, on évite, vingt ans plus tard, d’ouvrir une prison »

— Louis-Charles Jourdan (1810-1881), rédacteur au Siècle, cité dans Grand dictionnaire universel du XIXe siècle de Pierre Larousse, tomes VII (article « ECOLE », 1870) et XIII (article « PRISON », 1875).

Un projet désormais en actes d’éducation artistique et culturelle avec l’Inseac.

 

Quelques images des travaux de réhabilitation :

 

Le Centre d’Art GwinZegal

Le Centre d’Art GwinZegal s’est donné pour mission de mettre en place sur le long terme, des moyens d’espace et de temps en rupture avec la saturation et la banalisation des images - en mettant en œuvre avec les publics et les artistes un travail de création, de décryptage, de questionnement et de transmis- sion. Labelisé en 2019 centre d’art contemporain d’intérêt national par le ministère de la Culture, GwinZegal, installé dans l’ancienne prison de Guingamp, bénéficie d’un outil exceptionnel pour déployer son programme artistique et culturel. La création et la transmission forment la colonne vertébrale de son engagement qui s’irrigue à travers les résidences d’artistes, les expositions, l’édition de livres et les multiples formes d’interventions pédagogiques vers tous les publics.

 

Le Centre d’art GwinZegal et l’Inseac

 

Davantage qu’une relation de bon voisinage, le Centre d’art et l’Institut national supérieur pour l’éducation artistique et culturelle partagent des objectifs communs autour de l’éducation aux images, de la transmission, de l’expérimentation et de la recherche. Le Centre d’art agit comme une école à ciel ouvert où il est possible d’observer tout au long de l’année les allers et venues des enfants, des artistes et des publics, de les regarder expérimenter  en vrai — in situ — des formes de médiation sur le médium photographique.

 

En partenariat avec l’École Nationale supérieure d’Arles, GwinZegal et l’Inseac organisent chaque année un workshop d’une semaine avec les étudiants du Master dans le but de concevoir autour d’une des expositions du Centre d’art un outil d’éducation aux images adapté à tous les publics. En 2022, avec la complicité de Yannick Vernet de l’ENSP, c’est l’exposition l’invention d’une histoire vraie d’Éric Tabuchi et Nelly Monnier qui a été l’objet de cette expérimentation.

 

Le programme Une heure une image visant à créer des capsules visuelles sur la description et l’analyse des images est également co-construit avec l’Inseac qui en assure la dimension de recherche et projette son développement avec des partenaires scientifiques, laboratoire de recherche en informatique ou encore l’Ircam.

 

Et enfin, en choisissant d’y déployer un living-lab de l’éducation artistique et culturelle, l’Inseac fait de Guingamp un laboratoire à ciel ouvert, la ville ayant la particularité de compter 7000 habitants et d’accueillir tous les jours 7000 élèves dans ses 8 groupes scolaires, 3 collèges, 2 lycées généraux et technologiques, 4 lycées professionnels et 1 lycée agricole : la ville augmente sa population chaque jour d’élèves provenant de son territoire environnant, caractérisé par une aire urbaine étendue et la proximité de communes rurales. Le living lab se caractérise par le partenariat construit avec et pour l’ensemble des acteurs de l’éducation artistique et culturelle ( Rectorat, Ministère, collectivités territoriales, communauté éducative, structures et événements culturels, artistes, élèves et familles) autour de dynamiques d’observation qui sont qualitatives et quantitatives. L’approche tient ainsi compte  de la nécessité d’une observation qui porte sur des élèves « vécus » et non « modèles » et sur l’association de partenaires dans la démarche d’évaluation de dispositifs d’éducation artistique et culturelle déjà éprouvés ou eux-mêmes expérimentaux. C’est tout naturellement que le Centre d’art trouve sa place dans ce dispositif. 

12/02/2024